Chasseurs de Science : Sophie Germain, le mathématicien était une femme | Podcast

Ce nouvel épisode de Science Hunters met en lumière une personnalité scientifique que vous avez choisie chez Patreon. Nous vous racontons une histoire extraordinaire : celle d’une femme prête à tout pour étudier les mathématiques, voire à mentir aux plus grands scientifiques de son temps.

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Pour la première fois, vous avez pris la tête de notre podcast historique sur Science Hunters. Les contributeurs de notre page Patreon ont pu choisir la personnalité scientifique à mettre à l’honneur pour ce 23ème épisode, et c’est la mathématicienne française Sophie Germain qui a remporté le vote. L’histoire de Sophie Germain débute dans une période difficile, en pleine Révolution française. Elle ne rêve pas de la vie à laquelle sont confinées la plupart des femmes riches de son temps. Baignée dans les œuvres d’Archimède, elle souhaite étudier les mathématiques.

Mentir pour étudier les mathématiques

Mentir pour étudier les mathématiques

Mais les écoles qui l’enseignent, notamment Polytechnique, sont interdites aux femmes. Sophie ne se laisse pas abattre et développe un prétexte impertinent pour prendre des cours de mathématiques et partager ses propos avec le professeur, un certain Joseph-Louis Lagrange. Ce mensonge marque le début de la carrière mathématique de Sophie Germain, qui malgré ses remarques brillantes sur la théorie des nombres ne restera que l’ombre des hommes scientifiques de son temps.

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Transcription du podcast

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1794. Joseph-Louis Lagrange lit attentivement une lettre qui lui est adressée. Le vénérable savant à qui l’on doit beaucoup de progrès en mécanique céleste ou en théorie des nombres n’a plus rien à prouver. Il termine sa prolifique carrière de professeur à l’École polytechnique de Paris en pleine révolte. La terreur court dans les rues et les scientifiques ne ménagent pas. Joseph-Louis a vu tomber la tête de son meilleur ami avec qui il a participé à l’élaboration du système métrique : Laurent Lavoisier. Dans ce contexte troublé, il essaie de mener ses cours du mieux qu’il peut. Bien que ses élèves soient connus pour le détester à cause de son accent italien marqué et de sa voix fine, il les pousse néanmoins à partager leurs réflexions avec lui après chaque cours.

Parmi les commentaires qu’il reçoit, ceux de certains Antoine Auguste Le Blanc sont les plus attentifs. Impressionné par ses remarques sur la théorie des nombres, Joseph-Louis entame une correspondance scientifique avec le jeune homme. Après de longues discussions, il décide de l’inviter dans son bureau de l’École polytechnique.

On frappe à la porte. C’est ici! Joseph-Louis a imaginé mille et une choses sur Antoine Auguste. Parfois, il le croyait malade et épargné par la nature. Ou plutôt, il le considérait comme un jeune homme brillant et bien éduqué, aussi doué en rhétorique qu’en raisonnement scientifique. Mais là… il doit y avoir une erreur ! Antoine Auguste Le Blanc a une bouche bien définie et un nez un peu trop long. Il porte ses longs cheveux attachés en chignon. Le cerveau brillant avec lequel Joseph-Louis Lagrange interagit depuis quelques mois est en réalité une jeune femme de 19 ans ! Certains Sophie Germain.

1789. La petite Sophie passe le plus clair de son temps dans la bibliothèque de son père. Ambroise-François Germain ne veut pas voir sa fille traîner alors que la Révolution vient d’éclater. Les livres fascinent Sophie, en particulier ceux qui traitent de la science. Elle a lu et relu l’excellente Encyclopédie de Diderot, mais sa préférée raconte l’histoire et les théories d’Archimède. Si les affiches avaient existé au XVIIIe siècle, elle aurait probablement recouvert les murs de sa chambre de portraits du mathématicien antique. Sophie est particulièrement inspirée par l’histoire de sa mort : tuée, semble-t-il, par un soldat romain alors qu’il tirait des ronds sur le sable d’une plage de Syracuse en Sicile.

Le XVIIIe siècle a été riche en bouleversements scientifiques, politiques et même philosophiques, mais les jeunes femmes comme Sophie ont été tenues à l’écart de cette effervescence. Sophie veut devenir mathématicienne : manipuler les nombres, développer des théories comme Arimimède et ainsi comprendre le monde. Mais son père a d’autres projets de carrière pour elle : il ne veut pas que sa fille se tourne vers une carrière trop masculine. Il préfère qu’elle se tourne vers une autre science. Sciences commerciales. Pleine de détermination, Sophie prend des cours de maths à l’école polytechnique, interdits aux femmes. Elle le restera d’ailleurs jusqu’en 1970, soit près de deux cents ans de savoir inaccessible aux femmes. Dès le début, Sophie a développé une passion pour la théorie des nombres, une branche des mathématiques qui s’intéresse aux propriétés des entiers naturels ou relatifs. Ses remarques sur cette théorie impressionnent Lagrange.

D’ailleurs celui-ci n’offense pas la supercherie montée par Sophie pour le rencontrer. Au contraire, il est impressionné par sa détermination et son courage. Le vieux scientifique et la jeune femme intelligente deviennent amis. Leur entretien ne passe pas inaperçu du milieu scientifique parisien et Sophie devient rapidement la coqueluche de ce petit monde. Elle devient la protégée de Jacques Antoine Cousin, qui met à sa disposition son immense bibliothèque et ses richesses. La famille de Sophie finit par la soutenir également. Son père et les mariages bénéfiques de ses deux sœurs, Angélique et Marie-Madeleine, lui assurent un revenu confortable sans avoir à travailler.

Elle peut ainsi consacrer chaque instant de sa vie aux mathématiques, domaine scientifique auquel elle apporte une contribution certaine. En 1801, elle échange des dizaines de lettres avec Carl Friedrich Gauss – le même Gauss que la fameuse courbe – sous son pseudonyme, Le Blanc. Une profonde amitié se tisse entre les deux scientifiques. La ville natale de Gauss est envahie par la Prusse et Sophie joue avec ses relations pour assurer la sécurité de son amie. Elle lui révèle alors sa véritable identité. Gauss réagit ainsi le 30 avril 1807 :

« Comment puis-je vous décrire mon admiration et mon étonnement de voir mon estimé correspondant, M. Leblanc, se métamorphoser en ce glorieux personnage qui donne un si brillant exemple de ce que je pouvais à peine croire ? (…) Les charmes enchanteurs de cette science sublime ne se révèlent dans toute sa beauté qu’à ceux qui ont le courage de l’explorer plus avant. Mais lorsqu’une personne de ce sexe, qui, selon nos habitudes et nos préjugés, doit rencontrer infiniment plus d’obstacles et de difficultés que les hommes pour prendre connaissance de ces enquêtes épineuses, sait pourtant surmonter ces obstacles et pénétrer ce qu’en plus elles cachaient, sans doute, elle doit avoir le courage le plus noble, des talents tout à fait extraordinaires et un génie supérieur. « 

Elle tente à plusieurs reprises d’intégrer l’Académie des sciences et finit par réussir le 8 janvier 1816. Sophie est alors la première femme à fréquenter l’institution centenaire en tant que scientifique et non en tant qu’épouse d’un scientifique. Résolument moderne, elle ne se marie pas, ce qui était rejeté en son temps. Elle est décédée d’un cancer du sein le 27 juin 1831 à l’âge de 55 ans. Par Sophie Germain, nous avons un théorème qui porte son nom et ses contributions au problème des surfaces et des vibrations des élastiques qui n’étaient pas reconnus de son vivant. Mathématicienne louche, elle n’a pas publié d’article scientifique. Son nom n’apparaît que dans une note de bas de page dans la production de ses collègues masculins. (ironique) Reconnaissance définitive, La Poste lui a dédié un timbre en 2016.

Merci d’avoir écouté Science Hunters. La musique de cet épisode a été composée par Patricia Chaylade. Au texte et à l’histoire, Julie Kern. Si vous appréciez notre travail, n’hésitez pas à nous laisser un commentaire et cinq étoiles sur les plateformes de diffusion pour nous soutenir et améliorer notre visibilité. Vous pouvez également vous abonner à Spotify, Deezer et Apple Podcast pour ne jamais manquer un seul épisode. Quant à moi, je vous retrouverai bientôt pour une future expédition dans le temps, dans Hunters of Science. À bientôt!

Amis de Far Alfied, se souvenant toujours, le vent change, par Howard Harper-Barnes

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